La haine des NFT

Ima keep it real with u Discord, this won't make people forget about the NFT shit

(Ceci est le premier article de 2022, donc bonne année à tous avec pas mal un peu de retard.)

Après avoir bénéficié d’une très forte vague de popularité durant l’année 2021, et plus globalement depuis 2017, les NFT semblent avoir de moins en moins la cote.

Si les aficionados de cette technologie ne semblent pas avoir retourné leur veste, c’est du côté du grand public, encore étranger au monde de la crypto, que le scepticisme grandit.

En novembre dernier, le fondateur et PDG de Discord, Jason Citron, annonçait une intégration du portefeuille logiciel Metamask. S’en est suivi un déferlement de réponses et de retweets anti-NFT appelant à boycotter le logiciel et appelant les utilisateurs à résilier leur abonnement Nitro.

Discord n’est d’ailleurs pas la seule société du monde du jeu-vidéo à avoir fait les frais d’une telle mésaventure. Parmi les aventuriers malchanceux du Web3, nous retrouvons également Ubisoft, Konami ou encore Square Enix.

Si l’intérêt soudain que portent ces entreprises pour ces jetons n’est pas forcément innocent, et a probablement mis en colère les gamers pour de bonnes raisons, il faut néanmoins se demander s’il est vraiment nécessaire de jeter le bébé avec l’eau du bain.

Autrement dit : est-il légitime, et souhaitable, de demander l’abandon et le boycott d’une nouvelle technologie pour l’utilisation initiale qui en est faite ?

Avant de voir cela en détail, il faut d’abord nous mettre d’accord sur quelques termes techniques.

Qu’est-ce qu’un NFT ?

Un NFT est un certificat d’authenticité stocké dans la blockchain.

Voilà.

Pour l’instant, on va garder les choses simples.

Et le Web3 ?

Le terme Web3 désigne une nouvelle itération du web qui implémenterait les innovations liées à la blockchain, à l’image du Web 2.0 qui avait permis à n’importe quel utilisateur de s’exprimer et de créer du contenu via des plateformes comme les réseaux sociaux.

Cette évolution devrait passer par une intégration plus importante des portefeuilles logiciels tels que Metamask, que ce soit pour s’authentifier sur différents sites ou effectuer des paiements sans passer par des intermédiaires contraignants comme peuvent l’être PayPal et tout le système bancaire en général.

Cela passera également par l’utilisation des NFT sous différentes formes. La mise à jour nde Twitter permettant aux utilisateurs d’utiliser leurs NFT en tant qu’image de profil en est un exemple, même si ce n’est pas forcément l’utilisation la plus pertinente que nous puissions faire de cette technologie.

Mais alors, quel est le problème avec tout ça ?

Les problèmes des NFT

Si les NFT sont actuellement la cible de nombreuses critiques, c’est pour 3 principales raisons :

Les NFT sont des arnaques

Cet argument revient souvent, et pas forcement à tort.

Entre vieux sprites de jeu-vidéo sortis du grenier, images générées par centaines par ordinateur, et jetons s’appuyant sur un fonctionnement pyramidale, tout n’est pas tout rose au pays des NFT.

Le problème avec cet argument, c’est qu’il est généralement utilisé à tort et à travers, y compris lorsqu’il s’agit de projets sérieux (car oui, ils existent).

Il faut évidemment dénoncer les arnaques quand on les voit, mais généraliser ne permet pas d’avoir un avis éclairé sur chaque projet de l’univers crypto.

À part cela, il n’y a pas grand-chose à dire de plus sur cet argument. Il se tient parfaitement dans les bonnes situations.

Les NFT représentent un danger pour les artistes

Celui-là est un petit peu plus épineux.

Les NFT sont des certificats d’authenticités, mais bien évidemment, là où il y a de l’argent à se faire, il y a des escrocs.

Ainsi, il est de moins en moins rare pour les artiste de s’apercevoir que quelqu’un a créé un NFT d’une de leurs œuvres sans autorisation.

Si la solution semble toute trouvée : les artistes devraient créer des NFT de leurs œuvres avant que des escrocs s’en occupent, ce n’est pas forcément si simple dans l’état actuel des choses.

Créer un NFT sur une blockchain a un certain coût, dépendant de l’offre et de la demande.

Pour l’instant, Ethereum, la blockchain la plus populaire, n’est pas encore capable de traiter beaucoup de transactions (environ 15 par seconde, contre 60 pour la Binance Smart Chain), ce qui entraîne des coûts de fonctionnement très élevés pour les utilisateurs.

De plus, même si les NFT peuvent permettre aux artistes de vendre leur œuvres et de céder des droits de propriété plus facilement, certains artistes n’ont pas envie de vendre leurs œuvres, et d’autres n’ont simplement pas envie d’utiliser des NFT.

À noter que des intelligences artificielles capables de vérifier qu’un NFT a bien été créé par l’auteur de l’œuvre concernée sont en train d’être développées. Le site DeviantArt fournit déjà ce genre de service, bien que ce soit réservé aux utilisateurs ayant souscrit à l’abonnement payant.

À défaut de pouvoir régler le problème à la source, ces services permettront au moins aux artistes d’être alerté lorsque l’on essaiera de voler leur travail.

Les NFT polluent l’environnement

Les NFT, et la blockchain en général, font l’objet de nombreuses critiques sur le plan environnemental.

Ces derniers temps, on entend souvent dire qu’une seule transaction sur Ethereum consomme 62 kWh et émet 0,04 T de CO2.

Ces chiffres paraissent extravagants ? Ils le sont.

Pour commencer par le plus évident, un ordinateur qui fonctionne à l’électricité ne peut être accusé de rejeter du CO2 si, et seulement si, il est alimenté par une source d’énergie qui rejette elle-même du CO2.

Or, on estime à 39% le nombre de machines de minage alimentées par des sources d’énergie renouvelable. On atteindrait même les 74% au sein du réseau Bitcoin.

D’ailleurs, d’où viennent ces chiffres ?

La preuve de travail

Il faut savoir que pour garder un consensus fiable et sécurisé, Ethereum utilise la preuve de travail.

Afin de pouvoir inscrire une nouvelle transaction dans la blockchain, il faut résoudre une sorte de puzzle. Le seul moyen de résoudre ce puzzle est d’employer la force brute, et ces puzzles se complexifient avec le temps, ce qui signifie qu’il faut des machines de plus en plus puissantes pour pouvoir miner des nouveaux blocs.

Bien que ce système soit très sécurisé, il reste néanmoins peu efficace vis-à-vis du nombre de transactions par seconde possible, et finit par ressembler à une loterie à laquelle il faut nécessairement posséder une machine de course pour participer, puisqu’il ne peut y avoir qu’un seul gagnant.

Ainsi, les coûts énergétiques de la blockchain ne dépendent pas des transactions en elles-mêmes, mais plutôt du nombre de machines de minage actives sur le réseau.

Quant aux fameux 62 kWh par transaction, il semble difficile de mettre la main sur le calcul qui a permis d’arriver à cette somme.

Ce nombre correspond probablement au coût énergétique de tous les mineurs du réseau Ethereum lors de l’ajout d’une transaction, mais ça ne nous dit pas combien il y avait de machines actives lorsque le calcul a été réalisé, ni même si cela correspond bien au coût énergétique d’une seule transaction, et non de l’ajout d’un bloc, ce qui pourrait être facilement confondu.

C’est tout le problème avec les informations non-sourcées : elles ne sont pas vérifiables.

Cela ne veut pas dire qu’il n’y a absolument pas de problème sur les plans environnementaux et énergétiques.

La preuve d’enjeu

Les contraintes liées à la preuve de travail amènent à l’installation de toujours plus de machines de minage, toujours plus puissantes et toujours plus énergivores.

De plus, la preuve de travail nuit à la blockchain en elle-même puisque la lenteur de traitement qu’elle cause provoque l’augmentation des frais de service.

C’est d’ailleurs pour ces raisons que la blockchain Ethereum souhaite passer en preuve d’enjeu (proof of stake) où un seul responsable est désigné lors de l’ajout d’un nouveau bloc à la chaîne, principalement en fonction de sa participation dans la cryptomonnaie principale de la blockchain (dans ce cas précis, l’Ether).

Ce passage en proof of stake permettra de réduire considérablement le nombre d’ordinateurs exécutant de lourds algorithmes de hashage.

En attendant, n’oublions pas qu’il existe plusieurs blockchains, dont certaines fonctionnent déjà en preuve d’enjeu. Ainsi, tous les NFT, si ce n’est en fait la plupart, ne polluent pas.

Les NFT dans le jeu-vidéo

Si les NFT sont autant critiqués, c’est également en raison de leur exploitation actuelle par les grosses compagnies de jeux-vidéo.

Pour célébrer les 35 ans de sa série de jeux Castlevania, l’éditeur japonais Konami a choisi de vendre… des NFT… de vieux assets du premier jeu… aux enchères.

Si vous trouvez que cela frôle l’indécence, vous devriez également savoir que cette petite opération aura rapporté en tout 162 000 $ à la firme.

Il semblerait qu’Ubisoft ait été moins chanceux avec sa marketplace de NFT Quartz.

La promesse était de permettre aux joueurs d’utiliser leurs NFT provenant de Quartz en tant qu’accessoires dans différents jeux Ubisoft.

Malheureusement, cela n’a pas suffi pour séduire les joueurs, et à ce jour la plateforme n’aurait vendu que 15 NFT pour un total de 1755,30 $.

Peut-être que le service aurait été mieux accueilli s’il ne témoignait pas d’un opportunisme aussi évident de la part d’Ubisoft, qui cherche une fois de plus à soutirer le maximum d’argent à ses joueurs.

Fort heureusement, l’utilisation des NFT dans le jeu-vidéo n’est pas cantonnée à la vision des gros requins du marché.

Le modèle play-to-earn

Grâce aux NFT, un nouveau modèle économique est en train de naître : le play-to-earn.

Les jeux utilisant ce modèle proposent aux joueurs d’acheter, d’obtenir, d’échanger, et même de vendre divers éléments sous forme de NFT.

Par exemple, le jeu My DeFi Pet propose à ses joueurs d’acquérir des créatures pour les faire combattre, évoluer, se reproduire, et les échanger ou les vendre comme le proposent les jeux Pokémon.

Bien sûr, il est tout à fait possible de créer un jeu similaire sans utiliser des NFT, mais ils apportent néanmoins des avantages pour le jeu et pour ses joueurs.

Pour commencer, le jeu ne dépend entièrement pas de ses développeurs, ce qui signifie que si les serveurs officiels doivent fermer un jour, les joueurs pourront ouvrir des serveurs privés sans avoir à perdre leur progression.

De plus, un joueur souhaitant arrêter le jeu peut revendre ses possessions à d’autres utilisateurs et ainsi récupérer une partie de ce qu’il a investi.

Évidemment, c’est un mode de fonctionnement qui n’est acceptable que si le jeu est gratuit de base, autrement ce n’est rien de plus qu’une autre tentative pour piquer de l’argent aux joueurs, à l’image des microtransactions.

Pour conclure

On aurait également pu parler de la place des NFT et de la blockchain au sein de l’évolution actuelle du web, mais cet article est déjà bien assez long.

J’aime les NFT en tant que technologie prometteuse, bien que je ne sois pas fan de leur utilisation actuelle, en particulier lorsqu’il s’agit de spéculer sur des images déclinables à l’infini, ou des œuvres volées.

Il est fort possible que ces jetons permettent de sécuriser et de certifier des actions que l’on essayer déjà de transposer de la réalité au Web 2.0.

Si vous êtes anti-NFT, c’est votre droit. Il y a évidemment des aspects très critiquables à propos de cette technologie, notamment par rapport à l’absence de protection des artistes. Il faut toutefois faire attention à utiliser des arguments pertinents et sourcés, autrement cela n’a pas de sens de tenir une opinion si radicale.

Même si leur utilisation actuelle n’est pas à la hauteur des promesses faites par les cryptovangélistes, il est certain que les NFT resteront dans le paysage d’une façon ou d’une autre une fois que la bulle spéculative aura fini par éclater.

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