La destruction de la créativité

Récemment, Frédéric Molas, de la chaîne Joueur du Grenier et l’un des pionniers de la communauté YouTube francophone, a poussé un sacré coup de gueule envers la plateforme qui héberge ses vidéos depuis plus de 11 ans.

Dans cette vidéo, qui est une version censurée de son dernier épisode, le JDG explique que YouTube lui a demandé de « biper des mots, comme ‘fesses’ ou ‘pisser' », et qu’il lui a fallu flouter des femmes, totalement habillées, pour que sa vidéo ne soit pas catégorisée comme du contenu sexuel.

Notons d’ailleurs, que cette même version censurée a finalement quand même été limitée pour les utilisateurs de moins de 18 ans.

Il dira même que l’on « se retrouve avec une politique de censure digne du pire des régimes talibans ».

Il finira sa diatribe avec : « Sincèrement, j’ai atteint un degré de dégoût envers cette plateforme qui est tel que, même en sachant qu’il s’agit de notre principale source de revenus, je lui souhaite de crever. [….] produire du contenu avec un commissaire politique qui regarde par-dessus ton épaule en permanence […] pour moi, c’est juste plus de la création. »

À noter que le Joueur du Grenier n’en est pas à son coup d’essai, et qu’il critiquait déjà en 2019 la façon dont YouTube privilégiait les vidéos advertiser-friendly au contenu créatif.

Si je pense que la frustration de JDG et de son équipe est légitime, je pense également qu’il est important de chercher pourquoi on en est là.

Retour en 2005, PayPal a été rachetée par eBay 3 ans auparavant, et 3 de ses ex-employés, Chad Hurley, Steve Chen, et Jawed Karim, lancent enfin leur nouveau projet : YouTube, un site de rencontre par vidéos.

À ce moment, ils ne le savaient pas encore, mais ils venaient de créer un site web qui entrerait bientôt dans le top 3 des sites les plus consultés dans le monde, et qui n’en sortirait jamais.

La suite de l’histoire, tout le monde la connaît : Google rachète la plateforme en novembre 2006 pour 1.65 milliards de Dollars et le site s’internationalise en juin 2007.

Aujourd’hui, un milliard de minutes de vidéos sont regardées chaque jour sur la plateforme, et 500 heures de vidéos sont téléchargées sur les serveurs de YouTube toutes les minutes.

On en vient à notre question existentielle : comment fait-on pour maintenir une telle infrastructure ?

Réponse courte : c’est dur.

Il ne s’agit pas ici de faire l’apologie complète de YouTube. La difficulté de modérer une telle plateforme est une chose, demander aux créateurs de formater leur contenu en est une autre.

Mais les décisions de YouTube s’accordent également aux exigences des annonceurs.

Car même si YouTube génère à lui seul 20 milliards de Dollars, il est fortement probable qu’il ne soit toujours pas rentable.

Là, on atteint le cœur du problème.

Si aujourd’hui le JDG est contraint de se plier aux règles de YouTube, c’est parce que sa vidéo doit être adaptée à ce que veulent voir les annonceurs.

Les annonceurs ne veulent pas être associés à certaines choses, et Joueur du Grenier ne peut pas non plus se débarrasser d’eux parce que personne n’est encore prêt à payer pour des vidéos YouTube, comme l’a bien prouvé YouTube Premium.

Le manque à gagner étant énorme, JDG Prod vont saisir leurs avocats.

Je ne sais pas s’ils ont un terrain juridique favorable face à YouTube, mais en tout cas, ils ont probablement raison d’essayer de se faire entendre.

La répression de la créativité ne peut pas être considérée comme une bonne chose.

YouTube n’est pas la seule victime de ces dérives.

La plateforme de streaming Twitch souffre exactement du même problème, et de manière encore plus exacerbée.

Nous verrons bien si la justice finit par leur donner raison, mais ce qui est sûr, c’est que le client est roi, et ça, YouTube l’a bien compris.

Si vous souhaitez voir le coup de gueule du Joueur du Grenier : https://youtu.be/74fG-8jPsRw?t=66

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